samedi 23 juin 2012

Pourquoi être heureux quand on peut être normal?















Editions de l’Olivier , traduit de l’anglais , 267 pages ,
 21 euros.



Déjà ce titre  … qui selon les jours vous ferait éclater de rire en pleine librairie ou vous amènerait les larmes aux yeux.  Bien intriguant en tout cas.

 Pour moi ce livre a été une totale découverte car je n’avais jamais entendu parler de cette auteur anglaise apparemment assez reconnue en Grande –Bretagne  (adaptation télévisée  d’un de ses ouvrages par la BBC ) et n’avais pas lu de critiques.  J’y suis allée à l’instinct …quel plaisir de lecture!

Jeanette Winterson revient tout simplement sur cinquante années de vie  , d’amours , d’expériences, de lectures . Sa vie pourrait à première vue être marquée du sceau noir du malheur : enfant adoptée, elle est élevée par une mère totalement dérangée et éminemment toxique.

                  
  Cette mère est tellement « haute en couleurs » que Jeanette enfant perçoit elle-même la cocasserie de bien des scènes traumatisantes  qu’elle arrivera à dépasser et à transcender dans une quête de son moi véritable entreprise très tôt et très hardiment .
                                                                                                                                            
Le livre prend l’allure d’une méditation   , en partie autobiographie bien sûr  (qui s’achève d’ailleurs sur les retrouvailles avec sa mère de naissance)  mais tellement pas que cela !  C’est aussi un récit sur la résistance et la résilience (c’est bien comme ça qu’on arrive, comme elle, à supporter cette British Folcoche) qui alterne tranches de vie et considérations philosophiques de belle volée.    
                     
 Ecrit dans une langue très simple  , il échappe à tout pathos et nous touche pourtant  à tout coup.
Ce n’est ni sinistre  , ni désespérant, bien au contraire !  Jeanette Winterson est  admirable par la capacité de synthèse et de pardon qu’elle a sur sa propre histoire ; elle en a fait une relecture totale, au cours des années  (sans pouvoir éviter  , on s’en doute , des crises graves).  Son parcours d’artiste et d’intellectuelle doit même quelque chose à cette épouvantable Mme Winterson et elle est capable de le dire. Respect !

Partez muni d’un crayon dans votre lecture car, comme moi probablement,  vous aurez envie de retenir des passages   , des phrases qui sont comme autant de pépites de sagesse et de sensibilité, des phrases-talismans que vous pourrez  retrouver les jours de disette…

Quelques extraits , car de ce livre , c’est bien Jeanette  Winterson qui en parle le mieux !

Surprenant :    «  Ruth (Rendell) m’a connue quand j’avais vingt-six ans, elle m’a prêté un petit pavillon où travailler à mes débuts   . J’ai écrit La Passion de Napoléon chez elle . Elle a été ma fée-marraine-ne m’a jamais jugée,  m’a offert son soutien, m’a laissée m’exprimer , être moi-même »

Cocasse :   « quiconque possède un lit une place de taille standard et une collection de livres de poche de taille standard saura que l’on peut glisser une surface de soixante-douze volumes par couche sous le matelas . Peu à peu mon lit a commencé à prendre de la hauteur comme celui de la princesse au petit pois , si bien que je dormais plus près du plafond que du sol »

Fin :  «…quand les gens disent que la poésie est un luxe , qu’elle est optionnelle, qu’elle s’adresse aux classes moyennes instruites, ou qu’elle ne devrait pas être étudiée à l’école parce qu’elle n’est pas pertinente ou tout autre argument étrange et stupide que l’on entend sur la poésie et la place qu’elle occupe dans notre vie , j’imagine que ces gens ont la vie facile. Une vie difficile a besoin d’un langage difficile- et c’est ce qu’offre la poésie.  C’est ce que propose la littérature- un langage assez puissant pour la décrire . Ce n’est pas un lieu où se cacher . C’est un lieu de découverte » 

Instruit :    « …ces cours du soir prisaient Shakespeare - et personne ne s’est jamais plaint de la difficulté de la langue. Pourquoi ? Parce qu’elle n’était pas difficile -c’était celle de la Bible de 1611, la version du roi Jacques parue l’année où  La Tempête , première pièce à bénéficier de publicité, fut jouée . La même année, Shakespeare écrivit  Le Conte d’Hiver.                                                                                 Cette continuité pourtant utile a été mise à bas par des personnes instruites et bien intentionnées qui n’ont pas pensé aux conséquences pour la culture au sens large que pourrait avoir la diffusion d’une Bible dans un anglais modernisé et dépouillé de cette langue ancienne .  Résultat, les hommes et les femmes sans instruction, des hommes comme mon père et des enfants comme moi fréquentant des écoles ordinaires, ont perdu le lien évident et quotidien avec quatre cents ans de langue anglaise »

Fondamental :    « Pour moi , les livres sont un foyer. Les livres ne font pas un foyer -ils le sont, dans le sens où de même que vous les ouvrez comme vous ouvrez une porte , vous entrez dedans. 
A l’intérieur, vous découvrez un temps et un espace différents.  Il s’en dégage aussi de la chaleur -comme un âtre . Je m’assois avec un livre et je n’ai plus froid.  Je le sais depuis les nuits glacées passées dehors »

Rédempteur :   « En naissant, je suis devenue le coin visible d’une carte pliée. La carte offre plus d’un itinéraire. Plus d’une destination . La carte , ce moi qui se déplie , ne conduit nulle part en particulier. La flèche qui indique VOUS ETES ICI  est votre première coordonnée. Il y a bien des choses qu’on ne peut changer quand on est enfant . Mais on peut au moins faire son sac en prévision du voyage… »

Quand je vous disais ….

Mior


5 commentaires:

  1. J'ai noté plein de passages de ce livre aussi que j'ai adoré !!! Bon du coup, je ne suis pas peu fière de mettre le premier commentaire sur ton premier billet :-)
    J'ai trouvé ce récit plein de vie, d'espérance malgré tout ce qu'il dégage de souffrance. Jeannette Winterson a vraiment une énergie incroyable !!!
    Allez j'en rajoute une : "Je n'ai jamais reculé face à l'immensité de l'amour mais j'ignorais que l'amour pouvait être aussi fiable que le soleil. L'amour aussi se lève tous les jours."

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    1. rien ne pouvait me faire plus plaisir , chère Céline !
      Ce livre m'avait transportée (ça se sent je crois...)

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    2. ...et si je me souviens bien, c'est avec cette critique que j'avais été sélectionnée pour le jury ELLE

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  2. Oui !! J'ai chroniqué aussi ce livre sur mon blog, je l'avais énormément aimé...

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A bientôt !
Mior